Propositions des Jeunes Démocrates pour renforcer la participation électorale
Introduction
L’objectif de ce travail des Jeunes Démocrates est d’effectuer des propositions détaillées et argumentées en matière de participation électorale. Il permet également d’affirmer le positionnement des Jeunes Démocrates en tant que mouvement de jeunesse sur cette thématique centrale pour le fonctionnement de notre démocratie.
Ce travail est le résultat d’une démarche collaborative au sein des Jeunes Démocrates. Le sujet, une fois identifié, a dans un premier temps été mis en ligne pour réactions et foisonnement d’idées par tous les membres du mouvement. Un groupe de travail s’est par la suite constitué pour identifier les motifs récurrents, cadrer le sujet, faire un travail pédagogique du pour et du contre de chaque idée. 15 questions et un argumentaire sur lesdites questions ont été mis au vote des militants à l’aide d’un vote préférentiel. Sur base de ces résultats, le pôle idée rend ces conclusions ci-présentes.
À la suite de l’obtention des résultats du groupe de travail, une conférence a été organisée le mercredi 20 janvier 2021 sur le thème de la participation citoyenne. Elle s’est déroulée en ligne et a rassemblé trois chercheurs spécialistes de ce sujet
- Antoinette Baujard, professeur à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne qui a coordonné l’opération “Voter Autrement” lors des derniers scrutins présidentiels ;
- Jean-Yves Dormagen, professeur de science politique à l’université de Montpellier, qui a co-écrit un livre intitulé “La Démocratie de l’abstention : aux origines de la démobilisation électorale en milieux populaires” et qui s’est intéressé à l’ampleur de cette démobilisation et à ses origines ;
- Olivier Rozenberg, professeur associé à Sciences Po au centre d’études européennes et de politique comparée qui s’est spécialisé sur la question de la participation électorale, notamment lors des scrutins européens.
Le secrétaire général du Modem et député des Yvelines, Jean-Noël Barrot, a également participé à la conférence et prononcé quelques mots d’accueil portant sur l’importance pour les partis politiques de s’intéresser à cette question.
La conférence a rassemblé une trentaine de participants sur Zoom et s’est déroulée en deux temps. Les intervenants ont commencé par présenter les résultats de leurs travaux de recherches avant de laisser place à un débat avec les participants lors de la deuxième partie de la soirée. Les questions ont été nombreuses : vote blanc, vote par approbation, inscription sur les listes électorales, abstention des jeunes, initiatives pour simuler la participation électorale, etc.
Les Jeunes Démocrates remercient tous les participants à cette synthèse, les membres du groupe de travail ad hoc, Jean-Yves Dormagen, Antoinette Baujard et Olivier Rozenberg pour leurs éclairages scientifiques concernant la participation électorale, ainsi que Jean-Noël Barrot pour son écoute.
NOS PROPOSITIONS
1/ La mise en place de la proportionnelle
Le principe de l’élection au scrutin proportionnel est connu : les sièges sont attribués proportionnellement au nombre de voix recueillies. Si les débats autour des modalités de mise en œuvre et sur la méthode de répartition des voix sont nombreux et mériteraient une étude approfondie, les Jeunes Démocrates souhaitent exprimer un très fort soutien à l’instauration de la proportionnelle pour les élections législatives en France, à court terme.
Si le scrutin majoritaire a permis de faire apparaître des majorités stables, parfois même écrasantes, c’est au détriment de la représentation plus fine des sensibilités politiques des citoyens français.
Notre nation est composée d’une pluralité de sensibilités politiques portées par un certain nombre de mouvements, partis politiques ou sous d’autres formes. Cette réalité n’est pas représentée à l’Assemblée nationale, bloquée par la logique du scrutin majoritaire.
Les conséquences de ce scrutin sur la participation nous paraissent aujourd’hui délétères. Les choix issus des débuts de la Vème République, répondant aux nécessités de l’époque ne nous semblent plus adaptés au réel. Cela contribue à éloigner encore davantage certains électeurs des urnes, persuadés que par l’effet du vote utile, leur voix ne sera pas représentée, et leurs idées pas défendues au sein du cénacle de la démocratie française. Certains partis, pourtant influents dans l’opinion française, ne bénéficient que d’une représentation extrêmement réduite à l’Assemblée nationale.
Profondément attachés au Parlement, au débat d’idées, à la nécessité démocratique d’une juste représentation des courants politiques, nous réaffirmons notre souhait de voir notre pays se tourner vers la proportionnelle.
2/ La reconnaissance du vote blanc
Les Jeunes Démocrates sont favorables à la reconnaissance du vote blanc et le considèrent comme un outil essentiel pour favoriser la participation citoyenne dans notre pays. Le vote blanc consiste aujourd’hui pour un électeur à déposer lors d’un scrutin, un bulletin, dépourvu de tout nom de candidat ou une enveloppe vide dans une urne. Il se distingue du vote nul qui est le résultat d’une erreur au moment du vote (bulletin déchiré, annoté, raturé, plusieurs bulletins dans une même enveloppe, contenu autre qu’un bulletin de vote dans l’enveloppe, etc.). Il peut toutefois arriver qu’un électeur dépose volontairement un bulletin nul dans l’urne pour manifester son opposition aux choix de candidats proposés. Il rejoint ainsi dans l’intention l’action d’un vote blanc.
Le souhait des Jeunes Démocrates sur ce sujet est d’intégrer les votes blancs dans le calcul des suffrages exprimés. Reconnu, il permettrait d’être un indicateur clé du niveau de satisfaction de l’offre politique proposée lors d’un scrutin.
Plus globalement, la reconnaissance du vote blanc participerait à améliorer la représentativité dans notre système. Face au niveau important de l’abstention lors de la majorité des échéances électorales, il est important d’apporter des outils permettant d’œuvrer en faveur d’une plus grande participation des citoyens au vote. La reconnaissance du vote blanc le permet. Elle offre la possibilité à ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique proposée de participer au scrutin et de voir leur participation reconnue lors de la proclamation des résultats, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Enfin, la prise en compte du vote blanc nuancerait aussi les scores réalisés par les personnes élues.
Au-delà de ces éléments, le vote blanc a déjà été reconnu dans plusieurs États et est un des outils permettant une bonne santé démocratique d’un pays. Il est reconnu en Espagne, aux Pays-Bas, en Uruguay, au Pérou, en Colombie, etc. Certains pays le reconnaissent pour une partie des élections seulement. D’autres lui confèrent un rôle d’arbitre de l’élection en annulant cette dernière si la part du vote blanc dépasse un certain seuil, d’autres non. Il conviendra alors, au-delà de la reconnaissance en elle-même du vote blanc de définir s’il doit être appliqué à toutes les élections en France et à l’impact de celui-ci en cas de résultats de vote affichant un taux de vote blanc massif.
3/ La mise en place de listes transnationales pour les élections européennes
Les Jeunes Démocrates sont attachés à l’identité européenne. La constitution de listes transnationales serait un moment de dialogue entre les partis politiques européens en amont des élections, cela ferait gagner du temps à la cohérence de la ligne politique de ceux-ci. Le rôle des citoyens au cœur du projet européen est crucial, le renforcer par une telle coopération rendrait l’Union plus citoyenne. Cela créerait de la curiosité entre les médias européens à la veille des élections et lancerait ainsi un nouvel espace de dialogue transnational. Espace dont nous avons besoin pour une Europe plus incarnée, plus populaire. Dans la suite du discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron de 2017 ou des déclarations de Jean-Claude Juncker sur l’état de l’Union toujours en 2017, nous redisons notre attachement profond et infaillible pour ce projet qui amènerait les citoyens à s’approprier l’Europe et ainsi s’investir davantage dans le vote.
4/ Réflexions autour du vote préférentiel et/ou du vote de valeur
Les Jeunes Démocrates soutiennent le lancement d’une commission parlementaire pour l’étude du vote préférentiel et/ou du vote de valeur et/ou du vote par approbation dans les scrutins nationaux ou locaux. Une expérimentation pourrait également être envisagée à court terme, afin de tester à la fois les possibilités d’organisation, la réception et l’appropriation d’une telle idée par les citoyens.
Ce sera une possibilité offerte aux citoyens d’exprimer plus en détail leur positionnement, de ne pas se poser la question du vote utile, de constater un impact plus fort de leur vote. L’orientation donnée au débat public, le positionnement des candidats serait également affecté par une telle modification de la manière de voter. Les travaux d’Antoinette Baujard démontrent que “on peut s’attendre à ce que les participants indiquent leur véritable opinion sur un paysage politique fait de candidats qu’ils souhaiteraient voir élus parce qu’ils représentent correctement leurs idées et de candidats qu’au contraire ils rejettent” (Lebon, Isabelle, et al. « Ce que le vote par approbation révèle des préférences des électeurs français », Revue économique, vol. vol. 68, no. 6, 2017, pp. 1063–1076).
L’intérêt d’aller au-delà de la réflexion en matière d’accès au vote, et de se diriger vers une évolution du mode d’expression électoral plus en phase avec les attentes des citoyens paraît évident dans une optique de rénovation de l’acte démocratique de vote.
5/ Mise en place des parrainages citoyens pour l’élection présidentielle
À chaque élection présidentielle, la question des 500 parrainages des élus locaux que les candidats doivent obtenir est reposée. Cette condition d’accès à l’élection reine peut être vécue comme illégitime, empêchant des formes d’expression moins conventionnelles, moins implantées, plus transgressives. Pour d’autres, il s’agit d’une limite bienvenue, évitant des candidatures pléthoriques, qui, dispersant le vote, altèrent sa légitimité.
Par conséquent, l’idée des parrainages citoyens, ou d’une extension du parrainage à tous les élus, et notamment aux adjoints et conseillers municipaux, permettrait de cumuler à la fois les avantages d’une limitation de l’accès à l’élection présidentielle aux candidats représentatifs des différentes opinions politiques des Français, en dépassant la seule catégorie des élus locaux (qui peut être trop restreinte).
6/ Amplifier la démocratie participative
Le développement de la démocratie participative, de la possibilité pour les citoyens de se saisir directement ou de saisir leur représentant d’une thématique d’intérêt général pourrait constituer une respiration démocratique bienvenue. Qu’il s’agisse de la création d’un référendum d’initiative citoyenne, de l’amélioration du droit des pétitions, de l’abaissement du nombre de participants pour déclencher un référendum d’initiative partagée, toutes ces propositions ont pour objectif de faciliter l’émergence de thématiques qui rencontrent les préoccupations des Français, dans le débat politique.
La question du référendum d’initiative partagée de l’article 11 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, nous semble particulièrement prégnante. Ce dernier dispose que « un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ». Ce seuil d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales nous semble particulièrement élevé, entravant l’efficacité du dispositif, qui n’a pas pu être utilisé sur des sujets ayant pourtant été au cœur du débat public. Nous proposons donc un abaissement de ce seuil, afin de favoriser l’appropriation par les citoyens de cet outil démocratique.
7/ Réflexion sur la mise en place du vote obligatoire
L’intérêt pour la mise en place du vote obligatoire a émergé des débats menés par les Jeunes Démocrates. Permettant d’accroître la participation électorale et la représentativité des élus, cette thématique revient souvent lors de la recherche de solutions au problème de l’abstention. Dans le monde, une vingtaine de pays ont mis en place le vote obligatoire. L’Australie et la Belgique sont des exemples souvent avancés. Dans la très grande majorité des cas, une amende peut sanctionner l’abstention.
8/ Inscription pédagogique liée à l’inscription sur les listes électorales
L’inscription sur les listes électorales des étudiants est un problème rencontré par beaucoup d’entre eux. En effet, à un moment de la vie où l’on bouge beaucoup, de ville en ville, de formation en formation, il est parfois complexe de procéder à l’inscription sur les listes électorales du lieu de domiciliation. Souvent les étudiants retournent chez leurs parents pour voter, mais cela n’est pas toujours possible. Les Jeunes Démocrates proposent que tout étudiant puisse faire le choix d’être électeur dans la commune où il étudie. De manière complémentaire, nous proposons que lors de l’inscription pédagogique dans l’établissement de rattachement, les étudiants se voient proposer l’inscription sur les listes électorales de la ville d’études. Les formalités seraient ainsi simplifiées, et l’accès au vote des étudiants serait renforcé sans qu’il s’agisse pour autant d’une contrainte, si certains préfèrent voter dans une autre ville.
9/ Le vote par correspondance
Le vote par correspondance est une procédure autorisant les citoyens à exprimer directement leur vote sans se déplacer au bureau de vote, en usant du système postal. Il permet de favoriser la participation dans la mesure où le fait de se déplacer souvent le dimanche peut être vécu comme une contrainte par le citoyen. Les conditions doivent être cependant strictement encadrées dans la mesure où une certaine méfiance peut être exprimée vis-à-vis de ce mode d’expression comme cela a pu être constaté lors de l’élection du président des États-Unis en 2020. Les pressions que peuvent également subir certaines personnes ne doivent pas être ignorées, l’obligation de se déplacer au bureau de vote, et plus précisément le passage dans l’isoloir permettant de garantir la sincérité de l’expression politique. Si l’intérêt du vote par correspondance dans la lutte contre l’abstention est évident, des modalités d’encadrement poussées permettraient de renforcer la confiance des citoyens en ce mode de vote. En Suisse et en Allemagne, cette modalité de vote est populaire, les critiques sont peu nombreuses.
10/ Le bulletin unique
La mise en place d’un bulletin de vote unique est une proposition qui pourrait contribuer à améliorer le ressenti de certains électeurs au regard de la manière dont les institutions considèrent leurs choix. Le fait que certains bulletins ne soient parfois pas imprimés peut être ressenti comme une forme d’irrespect pour leur expression politique, qui ne serait pas placée à un niveau égal aux autres. La mise à égalité entre les partis pour la logistique et l’impression que cela induit est également un gage d’équité entre les opinions majoritaires et les opinions mineures. De plus, la dimension écologique de cette proposition n’est pas étrangère à notre adhésion.
Remarque complémentaire : Les questions logistiques (bulletin unique, vote par correspondance, inscription pédagogique) du vote sont des suppléments pour revitaliser la participation, mais ne sont pas l’essentiel du combat politique que nous menons. Elles ne doivent être mises en place que si les garants techniques de fiabilité, de transparence et d’efficacité peuvent être assurés, la précipitation ne pouvant pas être de mise.
Propositions écartées
De nombreuses propositions traversent le débat public concernant le renforcement de la participation électorale. Certaines ont pu faire l’objet de réflexions lors de nos travaux, mais ont finalement été écartées. C’est par exemple le cas de la mise en place d’un référendum révocatoire à la suite d’un bilan de mi-mandat. Nous considérons que cette possibilité serait déstabilisatrice, le temps d’un mandat notamment présidentiel ayant été réduit. De plus, l’appréciation de l’efficacité de choix politiques se fait souvent sur un temps long. La politique doit retrouver la confiance des citoyens, ne pas se construire sur la suspicion et la campagne permanente.
Nous ne sommes pas non plus favorables à un abaissement de la majorité électorale (à 16 ou à 17 ans). En effet, la scolarité compte beaucoup dans la formation du citoyen, de l’esprit critique nécessaire à l’exercice du droit de vote. Nous croyons à l’importance de l’éducation notamment civique qui devrait d’ailleurs être renforcée durant cette période charnière de la jeunesse pour former des citoyens avertis. De plus, l’alignement des majorités, le passage à l’âge adulte à partir duquel nous exerçons à la fois pleinement nos droits et assumons l’ensemble de nos responsabilités est un marqueur important. Il nous paraît pertinent sur le plan symbolique comme sur le plan démocratique.
Synthèse réalisée après consultation de l’ensemble des Jeunes Démocrates par le Pôle Idées. Contact : idees@jeunes-democrates.org